Grandir

Quel âge avez-vous ?

Moins de 18 ans

18 ans ou plus

Ary666 Grandir 0 25/09/12 à 21:36

Etant plus jeune, je me demandais souvent pourquoi la plupart des gens aspiraient à une vie de famille bien rangée, un emploi stable, un schéma basique.
Quand on est enfant, on ne comprend pas. On a envie de leur tirer les oreilles, de les réveiller, de leur dire : Bon sang ! Le monde est une bataille, le monde est à sillonner, à conquérir, à gagner !
Quand on est enfant – ou adolescent – tout semble simple. Je veux changer le monde ? Je n'ai qu'à sonner aux portes des puissants et rassembler les foules ! Je méprise une personne ? Un coup de matraque et on en parle plus ! J'en aime une autre ? Je le lui dis en face !
Toutes ces réponses sont vraies, concrètes et réalisables. Mais une fois que l'on connaît la réalité qui recouvre chacune de ces situations – le désir d'action, la haine, l'amour – le bilan se révèle tout autre et se heurte à des difficultés que l'on aurait jamais imaginé.

Les enfants tombent de très haut quand ils comprennent le monde. Amélie Nothomb – dont je lis actuellement tous les livres – ne s'en est d'ailleurs jamais vraiment remise. Sa grande existence s'est réalisée durant l'enfance. Après ses 13 ans, c'était terminé. Elle ne pouvait plus imaginer le monde comme elle le voulait. Elle ne s'est d'ailleurs jamais mariée et n'a jamais eu d'enfants. Comme si sa vie était restée là-bas, au Japon, dans les bras de Nishio-san, sa nourrice... et que son esprit, trop teinté de l'âge d'or de l'enfance, n'avait pas la place requise pour accepter un mari et un enfant. Quand on est un enfant, on ne donne pas naissance à un enfant. Je crois qu'il n'y a rien de plus impossible que cela : élever un enfant quand on est soi-même – dans sa tête – un enfant. Et être un enfant « dans sa tête », passé un certain âge, n'a absolument rien de commun. C'est un handicap énorme. On a du mal à s'intégrer dans tous les domaines : familial, amoureux, relationnel, professionnel... On vous regarde de travers. Et on en souffre.

Quand j'étais plus jeune – disons 10 ou 11 ans – j'étais persuadée d'être un jour atteinte du syndrome de Peter Pan. C'est une maladie mentale très grave – dans le sens où elle est très handicapante. Des adultes vivent, mangent, boivent, jouent, parlent et se comportent comme des enfants de 5 ans. Malgré eux, bien sûr. C'est absolument horrible.
En grandissant, j'ai compris que cette tragédie ne viendrait pas, et que mon développement était jusque là normal.
Par contre, il y a un mal (qui au fond, est un bien), dont je cru ne jamais me séparer : l'impossibilité de grandir, à l'instar d'Amélie Nothomb. Etre dans le refus de l'âge adulte, pire, dans le déni. Refuser le travail parce que cela instaure une routine (longue et consciente). Refuser la vie de famille parce que l'on n'a pas la maturité pour en être le patron. Refuser les responsabilités parce qu'elles entravent nos libertés les plus fondamentales.

Et puis, de la même manière dont je me vis évoluer à l'âge de 11 ans, j'ai compris que je continuerai à évoluer de façon « normale » au cours de ma vie, sans pour autant renier ce que je crois – une vie de bohème.

En réalité, ce que l'on vit – dans les faits – est bien peu de choses au regard de la façon dont nous vivons et ressentons cette même réalité.
Avoir des enfants, se marier, avoir un emploi – tout cela n'est qu'une façade qui cache des choses bien plus profondes. Des vies, des destins hors du commun, des ambitions faramineuses. Et tout simplement, aussi, des vies simples. Le goût d'une vie simple ; avec ses hauts et ses bas, tout aussi humble, tout aussi noble. Mais au fond, comment une vie pourrait-elle être simple, banale ? Comment un être humain, aussi complexe soit-il, peut-il vivre une existence dénuée de questionnements ? Cela me semble impossible.

Aspirer à la tranquillité et à la stabilité me semble être quelque chose de louable. Car au sortir de l'enfance – de l'adolescence – c'est le chaos qui s'installe. On ne comprend pas le monde. On désire le changer pour qu'il redevienne ce que l'on avait jadis connu. Et puis la Vie – mordante, vaillante, puissante – vous emporte dans son tourbillon, et là, là... que faire ? S'indigner, pleurer, crier, se révolter.
Ecrire. Penser. Créer.

Quel adolescent pourrait se vanter de connaître une irréprochable paix intérieure ? Quel adulte affirmerai avoir connu une adolescence parfaitement sereine ?
Ceux qui ne présentent pas de troubles ne sont pas des artistes. L'artiste né du refus et de l'incompréhension. Et toute sa vie se tournera, inconsciemment peut-être, vers l'acceptation du monde tel qu'il l'est.
Voilà, je crois, ce qu'est grandir : lâcher prise. Faire le deuil des réponses de l'enfance. Accepter – enfin ! – le monde tel qu'il l'est. Et construire, dans ce dédale de ponts et de bosses, une bulle de tranquillité. Connaître l'amour avec un grand A. Connaître l'abandon et le don de soi à travers un enfant. Comprendre que le monde est infiniment plus bouleversant quand on donne sa vie pour que puisse vivre une autre.

L'adolescent a besoin de repos. A tous les niveaux : physique, mental, émotionnel. Il est surmené – il se surmène – et c'est ce qui lui donne sa force.
Mais ô combien a-t-il besoin du repos que l'âge adulte lui procure. Tout bouge, tout pars, tout fout le camp ! Tortures de nuit, vitesse du jour, ivresse du lever.
Un peu de paix, s'il vous plaît. Un calme plat comme l'horizon de la mer. Le bruit des vagues, le clapotement de l'infini... la douceur du vent. La douceur du monde.
Donnez-nous la paix.

Ainsi l'enfant devient plus sage à cette délectable image. Le monde, oui, il faut le sauver, oui, oui, oui... Mais un instant. Ne fonçons pas tête baissée dans la bataille. Créons d'abord nos armures.
Donnons-nous la chance d'aimer comme jamais nous n'avons aimé.
Donnons-nous la chance de voir un petit être devenir plus important que nous-même.
Donnons-nous la chance de pouvoir vivre sans dépendre de personne. Libre.
Donnons-nous la chance d'être encore plus libre grâce à toutes ces responsabilités. Plus humain. Plus... nous-même.
Et après, et seulement après avoir battit cette armure, nous pourrons partir au front, en paix. Nous laisser enivrer, corps et âme, par nos passions, nos combats, nos luttes éternelles.

Voilà ce qui différencie l'adulte paresseux de l'adulte qui a gardé son âme d'enfant (sans pour autant en être un).
L'adulte qui a gardé son âme d'enfant – au fond, l'Artiste – accepte lui aussi de construire le socle de sa vie... mais il ne s'appuie pas sur ce mur. Non, malgré tout, c'est un obstiné : le monde, il le changera quand même.


19 ans, c'est l'âge transitoire. On est plus vraiment petit, on n'est pas encore vraiment grand. Peut-être est-ce ce texte que j'ai sur le cœur depuis des mois. Cette souffrance mal comprise qui s'éveille ce matin et que je regarde avec de grands yeux.
Personne ne peut vous sauver à part vous-même. L'amour – l'amour dans le couple – n'est qu'un secours. Il ne vous sauvera jamais dans ce que vous êtes vraiment.
Mais l'Amour avec un grand A – l'amour de toute chose ; du monde, des gens, de la beauté, de l'Art, de la nature, du vivant, de soi, de la Vie – cet Amour-là, inhérent à vous-même, peut vous sauver.
Tout comme l'Art, qui est une croyance, une conviction.
Si tu souffres, pars. Mais avant tout, tourne toi vers toi-même, et écoute.

L'Amour, l'Art, la quête de la Beauté sont des attitudes de vie que l'on comprend que l'on va suivre (ou non) dès le plus jeune âge. Et j'ai la profonde conviction que ces trois attitudes sont la certitude de l'accès à un bonheur durable et solide. Et toutes les personnes pour qui ces trois mots portent un sens immense sont des personnes absolument aptes à ce bonheur-là. J'en suis convaincue.

J'ai pleuré beaucoup. J'ai souffert longtemps. J'ai crié souvent. Et encore longtemps que je vivrais, je sangloterai et douterai.
Mais il y a une chose, certaine, dont jamais je ne douterai et qui efface toutes mes larmes à chaque fois que j'y pense : j'ai cette chance absolument immense d'être apte à un bonheur sublime.

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