Les files d'attente. (reprise)

Quel âge avez-vous ?

Moins de 18 ans

18 ans ou plus

What the Phoque   Les files d'attente. (reprise) 4 16/03/11 à 16:59

J'avais posté ce sujet, il y a un petit mois, et j'ai décidé de le retravailler un peu. Il n'y a pas une très grande différence, mais j'espère qu'elle améliore mon écrit.
Merci d'avance pour vos commentaires. Toute critique est constructive.

"
Le Jeudi 9 Avril 1990, vers 15h, ma mère m'emmena au supermarché du coin, et ce fut pour comme une révélation. La file d'attente de la sixième caisse, dans laquelle je me trouvais fut l'élément déclencheur du reste de ma vie. Je crois que j'ai toujours aimé les files d'attente, cette atmosphère particulière, l'empressement des gens, l'agacement parfois. Le fait que tout le monde soit confronté au même problème. J'ai remarqué au fil de mon enquête que les gens arrivaient difficilement à vivre avec cette attente. Les visages se crispent, les mains commencent à trembler toutes seules, et la panique se met à envahir chaque personne de chaque file. Pour moi, le jeu était de savoir qui du gros monsieur à lunettes et aux gouttes de sueur dégoulinantes ou de la vieille dame au chapeau, et à la moustache naissante, allait arriver en premier au guichet. Les files d'attente sont souvent doubles, voire triples, ainsi, je me souviens que tout en prenant soin de ne pas lacher la main de ma maman, je m'amusais à observer ces courses d'escargots impatients. Pendant que tous mes copains jouaient au ballon dehors, quelque soit le temps, j'accompagnais n'importe qui voulait aller à la poste, à la boulangerie, ou chez le charcutier. Ce plaisir est très vite devenu une passion, et j'avais ainsi dressé un planning des listes d'attentes à parcourir. Le lundi, c'était la banque avec Papa, le vendredi avec maman au supermarché. Il m'arrivait parfois de partir d'un endroit quand la file d'attente n'était que peu garnie, ou bien d'attendre posté dans un coin du magasin, en fin guetteur, les probables participants à mon divertissement quotidien. Je tenais un cahier dans lequel je notais tous les magasins dans lesquels j'étais allé, et le nombre de personnes qui constituaient ces files. Ces figurants de quelques minutes devenaient les acteurs de mon film, en quelque sorte, les acteurs de ma vie puisque je ne vivais qu'à travers cela.

J'ai compris que cet engouement pour les files d'attente venait d'une recherche de complicité entre les gens et moi. Dans la file, tout le monde est serré, et ce que certains peuvent qualifier d'oppressante, moi, je trouvais cette posture très conviviale. Je prenais plaisir à partager un moment avec mes amis de passage, sachant que la plupart d'entre eux n'apportait pas autant d'attention à ces files que moi ; cela m'était pourtant égal puisque j'y trouvais mon compte. Il y avait comme une communion entre chacun, j'étais comme lié à la personne devant moi et à celle de derrière. Les corps collés et transpirants, les regards fuyants, tantôt charmeurs, tantôt charmés, tout cela fascinait l'adolescent que j'étais. Cette passion s'est petit à petit transfomée en addiction. Alors que certains de mes camarades de classe fumaient ou buvaient, j'étais moi même addict à ma propre drogue : celle qui vous pousse à sécher un cours par simple envie d'attendre vingt minutes au supermarché du coin, qui vous fait mentir pour ne pas louper les heures de pointe chez le traiteur, le pressing ou bien le libraire, celle qui vous fait connaître chaque horaire d'ouverture et de fermeture de tous les commerçants de la région. Souvent lorsque venait mon tour dans la queue, je me dérobais, faisant mine de n'être plus satisfait de l'article choisi, ou bien alors expliquant au vendeur que je m'étais trompé ; je repartais sans rien avoir acheté, juste parce que j'avais eu ce que je voulais, ce pour quoi j'étais venu. L'achat n'était pas une nécessité, l'attente si. J'en avais besoin pour être complétement heureux, elle participait à mon épanouissement d'adolescent, elle me construisait. Parfois, avant de m'endormir, il m'arrivait de me rappeler de telle ou telle file d'attente dans laquelle j'avais été plongé pendant la journée, de telle ou telle personne que j'avais pu rencontrer, effleurer, ou sentir, cela me plaisait, c'était pour moi comme une jouissance particulière, personnelle. Jusqu'à l'âge de vingt ans, j'ai vécu cette passion, devenue addiction, qui ne dérangeait personne, sans aucun problème.


Puis, cette passion a commencé à me rendre complétement dépendant. Je faisais des crises si je ne pouvais pas aller dans le magasin prévu dans mon planning. Je n'arrivais plus à aimer les gens avec lesquels je vivais, ils m'étaient communs, et j'avais sans cesse un besoin de nouvelles têtes, de nouveaux corps à voir, à toucher. Je m'excluais du monde qui m'était proche. Comme les hommes qui jouent à des jeux en ligne sur l'ordinateur,se créant leur propre monde et se masturbant l'esprit, mes files d'attente étaient devenues mon monde parallèle. Je rentrai dans un mutisme, ainsi je refusais de parler à mes amis, et même à ma famille, si personne ne voulait m'emmener dans un magasin, assouvir mes envies d'attente. L'attente ne s'achète pas en sachet, en comprimé, ou en médicament...
De plus, les vendeurs ont commencé à comprendre mon jeu, et ont remarqué mes venues de plus en plus quotidiennes qui n'avaient pourtant pas l'air de les déranger au premier abord. Cependant, comme je venais tous les jours et que je n'achetais en général, rien, certaines firmes ont cru que j'étais un espion envoyé pour renseigner les concurents. Ainsi toutes les banques m'ont fermé leur porte, la boulangère baissait les stores quand elle me voyait arriver au loin, et le charcutier me menaçait avec son couteau. Apparement, mon jeu avait dépassé ses limites, et j'en étais devenu prisonnier.

Alors j'ai longtemps réfléchi, plusieurs années, en essayant d'aller de moins en moins dans mes magasins favoris. L'envie étant trop forte, je bouchai mes fenêtres, ma porte d'entrée, me forçant à rester cloitrer dans le noir, et ainsi à attendre tout seul. J'ai detesté l'attente, et je me suis rendu compte que ce n'était pas ça le problème.. Je l'ai tourné, et retourné dans mon esprit, dans tous les sens possibles. J'ai aussi cru que les gens m'en voulaient d'être tout simplement heureux, et que cela devait être de la pure jalousie. Qu'un homme qui se sentait bien dans sa peau, était forcément conspué, critiqué, que le bonheur n'était finalement qu'illusoire. Finalement, je me suis dit que la meilleure manière de trouver une solution, était de venir vous en parler. Alors je vous repose cette question pour la dernière fois... Suis-je oui ou non fou, Docteur?"

Syla 
Les files d'attente. (reprise) 1/4 16/03/2011 à 17:05
Je n'ai pas lu l'original. Mais là, j'aime vraiment beaucoup, beaucoup. Un peu court peut-être ? Le dernier paragraphe en tout cas ; la chute arrive vite, je trouve. Mais encore une fois, j'aime vraiment !
Les files d'attente. (reprise) 2/4 17/03/2011 à 21:11
"et ce fut pour comme une révélation"... "pour moi" ou alors pas de "pour" du tout.
"Dans la file, tout le monde est serré, et ce que certains peuvent qualifier d'oppressante, moi, je trouvais cette posture très conviviale."... je comprends mal ce que la phrase veut dire... ô_õ
"la plupart d'entre eux n'apportait pas autant d'attention à ces files que moi"... tu as confondu avec "ne portaient" ou est-ce que le jeu de mot est voulu ?

Mis à part ça, j'aime beaucoup les modifications, en particulier celles du dernier paragraphe. Et bonne idée, la date du départ qui renforce l'idée que le jour l'a marqué. Smile
Les files d'attente. (reprise) 3/4 17/03/2011 à 22:10
Walen a écrit :

"et ce fut pour comme une révélation"... "pour moi" ou alors pas de "pour" du tout.
"Dans la file, tout le monde est serré, et ce que certains peuvent qualifier d'oppressante, moi, je trouvais cette posture très conviviale."... je comprends mal ce que la phrase veut dire... ô_õ
"la plupart d'entre eux n'apportait pas autant d'attention à ces files que moi"... tu as confondu avec "ne portaient" ou est-ce que le jeu de mot est voulu ?

Mis à part ça, j'aime beaucoup les modifications, en particulier celles du dernier paragraphe. Et bonne idée, la date du départ qui renforce l'idée que le jour l'a marqué.



Hum, et bien c'est avec un grand regret que je constate mes fautes... Je n'ai pas relu le texte après modification, par peur ne vouloir rechanger, ce qui justifie ces fautes.

Pour la phrase que tu n'as pas comprise, je n'arrivais pas à la tourner autrement, mais je vais retravailler ça.
Les files d'attente. (reprise) 4/4 19/03/2011 à 22:36
Des redondances (l'idée d'addiction est je trouve dite et répétée), mais j'aime beaucoup l'ensemble et notamment le dernier paragraphe.
Recommande ce site a tes ami(e)s | Aller en haut

Partenaires : Énigmes en ligne