Poaim damour lol

Quel âge avez-vous ?

Moins de 18 ans

18 ans ou plus

Cloud Atlas   Poaim damour lol 33 08/04/10 à 17:03

Bonjour.

Je m'essaye aux titres racoleurs, on verra si ça change quelque chose.

C'est un one-shot pour une fois. Le poème intercalé ("The square root of a three") n'est pas de moi mais d'un illustre inconnu nommé David Feinberg. Pour ceux d'entre vous qui ne parlent pas l'anglais, je posterai une traduction sur ce topic quand je l'aurai finie.
J'ai essayé pas mal de trucs nouveaux dans ce texte, donc des avis sont encore plus souhaités et appréciés que d'habitude.
Merci d'avance.
Bonne lecture.

Plus petit que trois.

I fear that I will always be,
A lonely number like root three.


Pendant mes navettes, je regarde le paysage défiler par les fenêtres du train. J’aime bien la sensation de la vitre froide contre ma joue. Les matins d’hiver, quand le soleil se lève tard, je peux y contempler mon reflet. L’horizon est un long fil que je vois se dérouler derrière mon front transparent. « Mes pensées défilent ». C’est une métaphore éphémère, complexe, qui ne peut se voir que du point de vue de celui qui en fait partie. On ne peut pas capturer tout ça dans une photo, ou même en filmant.
J’aime trouver la poésie et le romantisme dans ma vie. Tout est plus supportable si on peut le raconter de manière à ce que ça semble beau. La mélancolie devient passionnante et le découragement, héroïque.

The three is all that’s good and right,

Je me suis inscrite en Polytechnique parce que c’était la seule branche où il fallait passer un examen d’entrée. J’avais besoin d’un rite de passage. J’espérais me sentir grandir.
Ma fin d’été, je l’ai passée plongée dans mes cahiers à démontrer des évidences, à me perdre dans des résolutions. J’ai été prise tour à tour par des accès de triomphe et de déprime.
Finalement, j’ai passé l’examen. Une épreuve de trois heures le matin, une autre l’après-midi et ce deux jours de suite. J’entrais dans les salles comme un gladiateur dans l’arène. J’en sortais en titubant, en hypoglycémie complète. Le jour de l’affichage des résultats, je me suis frayé un chemin vers le tableau en sanglotant.

J’avais réussi. Je ne me sentais pas plus âgée.

Why must my three keep out of sight,
Beneath the vicious square root sign ?

- En fait, programmer, c’est comme invoquer un démon.
Mon binôme se détourne de l’écran et me lance un bref regard.
- Comment ça ?
- Tu sais bien, j’explique en continuant à taper. Les démons ne sont pas dociles. S’il y a la moindre faille dans tes instructions, ils vont s’y engouffrer et faire autre chose que ce que tu voulais. Donc, les invocations que les magiciens ont développées au fil des années, c’est en fait des algorithmes conçus pour être sûr que le démon n’aura pas d’autres choix que d’obéir.
Mon partenaire m’interrompt en tapotant l’écran à l’endroit où j’ai fait une faute. Je fronçe les sourcils, puis finis par voir mon erreur et la corrige.
- Quel rapport avec Java ou la programmation ?
- C’est exactement comme la programmation ! L’ordinateur est mon démon. Invoquer, c’est programmer.
Il rit faiblement, un peu moqueur.
Peut-être que je devrais simplement garder tout ça pour moi.

Mon esprit dérive pendant le reste de la séance d’exercices.
Je pense qu’on est tous des magiciens ou que Dieu était un programmeur.
Je pense aux Golems qu’on façonne avec de l’argile, à qui on donne la vie en écrivant du bout du doigt « EMET » sur le front. Ils sont forts et légendaires, mais il suffit d’effacer le premier E pour les tuer. EMET signifie vie. MET, c’est la mort.

Je pense :

private static final int EMET = 1 ;
private static final int MET = 0 ;
while (int forehead != 0)
{
live() ;
}

Mais je ne le tape pas.

I wish instead I were a nine.
For nine could thwart this evil trick,
with just some quick arithmetic.


En novembre, j’ai croisé par hasard une de mes anciennes profs.
Elle me fait la bise, s’inquiète de mes études. Je n’ai pas le temps de commencer à lui expliquer mon anxiété vis-à-vis des examens qui approchent qu’elle rit et déclare :
- Je suis sûre que tu es toujours aussi brillante !
Je la regarde s’éloigner, la bouche entrouverte, penaude.
A l’école secondaire, j’étais la gamine qu’on a envie de gifler : celle qui déboule le jour d’un exposé sans aucune note et fait tout à l’esbrouffe en souriant, celle qui accumule les 18 autant que les avertissements disciplinaires. Ils me croient tous invincible.
Je ne le suis pas. Procrastination est mon second prénom ; je m’enfonce chaque jour un peu plus dans un cercle vicieux paniqué et idiot. Je ne vais pas réussir ces examens.

I know I’ll never see the sun, as 1.7321,


Ce n’est pas comme ça que je voulais mes études supérieures. J’espérais pouvoir passer mes journées à boire du café avec des gens intelligents, parler de fusion nucléaire et de la mort du soleil.
J’aurais voulu leur parler de livres, leur dire qu’un personnage est un espace vectoriel de dimension infinie, expliquer que la distribution aléatoire des nombres premiers c’est beau comme un poème en vers libres.
Mais les polytechniciens ne lisent pas, du moins pas ceux que je connais.
De mes études, je n’aime que les bouquins de sciences. Ils sont malins, charnus et réconfortants.
Les cours magistraux m’endorment. Les séances d’exercices me laissent perplexes : les résolutions me sautent aux yeux et je termine en une heure ce que j’aurais du faire en deux. Chez moi, trompée par cette impression de facilité, je ne revois rien. J’oublie encore plus vite que je n’intègre.

Such is my reality, a sad irrationality,


Dans le train, je peux estimer la dérivée seconde de sa position à chaque instant. Positive, puis nulle.
Puis négative. Et nulle à nouveau, égale à la dérivée première cette fois-ci. Position constante : nous sommes arrivés. La porte s’ouvre et une bouffée d’air glacial me saute en plein visage. Je descend d’un bond. Le train redémarre dans un vacarme violent.

Je songe à deux repères : un inertiel, j’en suis à l’origine. L’autre qui s’éloigne.
Je regarde les roues, je pense à la condition de roulement sans glissement.
Je fais mentalement le bilan des forces qui agissent sur le véhicule.

Etudier les sciences serait moins pénible s’il était possible de s’en reposer. Mais non, je ne peux pas. C’est comme si j’avais été daltonienne toute ma vie et que maintenant j’étais capable de voir les vraies couleurs. Les vraies couleurs m’éblouissent.

When hark! What is this I see,
Another square root of a three


A la maison, tu es là. Tu m’attendais. Je ne sais pas pourquoi tu es venu : je ne t’ai pas invité.
La dernière fois qu’on s’est vu, on pouvait encore s’imaginer n’importe quoi : la liberté, la passion d’apprendre, les horaires souples, les soirées.
Puis est venue la rentrée, avec elle l’angoisse, avec elle la nouveauté, avec elle la désillusion.
J’ai honte de ne pas pouvoir te dire que tout se passe bien. J’ai honte de ne pas pouvoir te dire que le changement me plait.

As quietly co-waltzing by,
Together now we multiply


Tu me racontes l’histoire que je connais déjà, parce que c’est également la mienne. Tu es aussi désorienté que moi, peut-être plus. Je ne sais pas quoi répondre, mais je me sens mieux.

To form a number we prefer,
Rejoicing as an integer


Tu finis par t’en aller. Je voudrais te presser contre mon cœur pour te dire au revoir, même si ce n’est pas comme ça entre nous, même si nous n’avons jamais été physiquement proches. On se regarde, gênés.
S’ensuit une étreinte maladroite, courte et inconfortable.
Peu m’importe.

We break free from our mortal bonds,
With the wave of magic wands,
Our square root signs become unglued,
Your love for me has been renewed.


Poaim damour lol 21/33 08/04/2010 à 21:47
you're welcome. Justement un livre intitulé Golem qui m'y a fait repenser.
Poaim damour lol 22/33 08/04/2010 à 23:03
A la vue de ce titre, je préparais déjà une réponse cinglante... Merci de m'avoir fait déchanter !

Texte fluide, bien mené. Les coupures en anglais sont légèrement gênantes parfois, mais ce n'est que mon avis.

Au passage, les Polytechniciens lisent beaucoup, mon oncle peut venir témoigner qu'il n'est ni complètement déconnecté du réel ni obsédé par les mathématiques, les sciences, la logique et leurs applications Smile
Poaim damour lol 23/33 08/04/2010 à 23:06
Octave Parango a écrit :
Au passage, les Polytechniciens lisent beaucoup, mon oncle peut venir témoigner qu'il n'est ni complètement déconnecté du réel ni obsédé par les mathématiques, les sciences, la logique et leurs applications.


C'est le Polytechnique de Belgique et pas celui auquel tu penses.

Sauf erreur de ma part...
Poaim damour lol 24/33 08/04/2010 à 23:12
Game Ovaire a écrit :


C'est le Polytechnique de Belgique et pas celui auquel tu penses.


Une fois pour toutes, parce que j'ai jamais compris, c'est quoi la différence entre Polytechnique française et Polytechnique belge ?

Sinon, pour répondre à Octave, ce texte est très personnel. Mon but n'est pas de décrire les polytechniciens en général, je mets juste ma propre expérience en prose (je l'espère) poétique.
Et je voulais voir aussi si il y avait moyen d'intégrer de l'info des maths et de la physique dans un texte poétique. C'est un principe qui me plait.

Merci de ton commentaire Timide
Poaim damour lol 25/33 09/04/2010 à 19:15
Up pour étrenner mon nouveau pseudo trokoul.
Poaim damour lol 26/33 09/04/2010 à 19:20
loveuse_du_17 a écrit :

Une fois pour toutes, parce que j'ai jamais compris, c'est quoi la différence entre Polytechnique française et Polytechnique belge ?



Je connais pas l'X Belge, mais en France, Polytechnique est une école d'ingénieur, la meilleure de France en fait. Pour y rentrer, on passe par les concours communs auxquels toute l'élite des futurs ingénieurs français se présente.
En gros, pour y rentrer, il faut être très doué (et un peu chanceux).
A toi de nous dire la différence avec l'X Belge.

J'aime ton pseudo. Coeur
Poaim damour lol 27/33 09/04/2010 à 19:41
Canardvert a écrit :

En gros, pour y rentrer, il faut être très doué (et un peu chanceux).
A toi de nous dire la différence avec l'X Belge.

J'aime ton pseudo.


C'pareil sauf qu'il n'y a qu'un seul examen qui peut te faire entrer dans n'importe quelle fac de polytechnique et ces dernières appliquent toute le même programme. Et c'est un exam pas un concours, donc il suffit de réussir pour être pris, faut pas être le meilleur.

Moi aussi mais ça double le nombre de mps lourdauds que je reçois.
Relation de cause à effet flagrante.
Poaim damour lol 28/33 11/04/2010 à 20:26
Grrrrmrrm.
Poaim damour lol 29/33 11/04/2010 à 21:49
Coin. Canard

(erf, faux espoir, non, non, ce n'est pas une nouvelle critique)
Poaim damour lol 30/33 11/04/2010 à 22:04
Canardvert a écrit :

Coin.

(erf, faux espoir, non, non, ce n'est pas une nouvelle critique)


C'était cruel.
Poaim damour lol 31/33 11/04/2010 à 22:12
Smile Jap

(encore un ?!)
=>[].
Poaim damour lol 32/33 13/04/2010 à 19:50
L'idée de mêler sciences et littérature, pourquouah pas. J'ai bien aimé ça. Par contre ce que j'ai moins apprécié c'est le fait que ce soit justement trop "personnel", qu'il n'y ait peut-être pas assez de recul. Et puis le tutoiement des derniers paragraphes, je trouve qu'il casse un peu le rythme du texte. Mais bon, j'ai toujours eu du mal avec le tutoiement dans les textes, alors ça ne vient sûrement que de mouah.
Poaim damour lol 33/33 13/04/2010 à 21:51
Aha, la critique tant attendue de Frosties.

Le tutoiement, d'autres gens m'ont dit qu'ils aimaient bien justement.

Bon, comme d'hab faut que je laisse décanter puis que je relise le texte avec les critiques en tête. On verra.

Merci d'avoir lu.
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