Dans sa peau à lui (nouvelle)

Alhambra

Dans sa peau à lui (nouvelle)

14

Ce jour à 19:05

A sept heures précises du matin, l’abrupte sonnerie du réveil retentit. Il ouvre ses yeux, de toute façon il ne dormait pas vraiment, se redresse sur son lit et reste quelques instants sans rien faire, son regard lancé droit devant lui. Il laisse l’insupportable « bip bip » sonner. Ce bruit ne le dérange pas. Il y a un bruit bien pire dans sa tête.
Finalement, il tend une main rigide comme une pierre, et éteint le réveil. Il se lève, doucement. Il a un air très concentré, un peu résigné, et c’est avec lenteur et méticulosité qu’il va dans sa salle de bain, enlève un à un ses vêtements, et monte dans la baignoire.
Une eau glacée lui tombe sur les épaules. Indifférent, il se mouille tout le corps, se savonne, se rince et sort. Il essaye de ne pas trop penser, il essaye de rester concentré sur ses objectifs. Il regarde son propre reflet droit dans les yeux, il veut chercher quelque chose dans ce regard, quelque chose en lui, qu’il le déterminerait, ou l’arrêterait tout à fait. Il ne trouve rien, juste lui-même et à ses côtés, son acte, qui, encore inexistant, semble quand même prendre de l’ampleur.
En se rasant, il se coupe légèrement. Il s’arrête, stoïque, regarde la coupure, laisse couler le peu de sang qui en sort. Il essaye de ne pas trop y penser. Ça ne sert à rien, si l’on agit, il faut agir froidement, sans laisser ses sentiments ralentir les choses. Ou alors il ne faut pas agir. Et si justement, il n’agissait pas ?
« Non ! Se reprend-il, j’ai réfléchi trop longtemps, attendu trop longtemps, préparé trop longtemps pour tout annuler au dernier moment. » Et d’un geste de la main, il mouille sa joue. Le sang se dilue dans l’eau, il n’en reste aucune trace. Finalement c’est tout simple.
Il sort de la salle de bain, habillé d’un pantalon noir, d’une chemise. Il faut être le plus beau possible. Il faut être beau. Il n’y a rien de mal à être beau.
Il enfile ses chaussures et revêtit son large pardessus, noir, lui aussi.
Avant de sortir de chez lui, il se regarde dans le miroir. Il est livide. C’est ridicule, ce n’est pas la peine. Il faut être beau, il faut faire ça avec précision et sérieux.
Il referme la porte derrière lui, et par ce geste, il enferme tout ce qui pouvait le retenir. Il sait qu’il ne reviendra plus en arrière. Il esquisse un léger sourire ; c’est un homme fort. Il a raison de ne pas tout abandonner pour de stupides peurs. C’est important. C’est un homme fort, ce n’est pas un homme qui a peur, ce n’est pas un lâche.
Il tremble.
Il marche sans y penser. Ses jambes sont raides, il a le cou en arrière. Il pense aux trottoirs, aux rues, aux immeubles, aux arbres. Il pense qu’il y pense. Il vaut mieux penser à ça, c’est plus simple.
Arrivé devant la porte de l’immeuble, il compose le code. Il a le visage de plus en plus fermé, il ne regarde plus ses mains, il ne regarde pas ce qu’il fait. Il prend l’ascenseur. Sa bouche est sèche, son cœur tape violemment dans sa poitrine. Il déteste ça. C’est un homme fort, son cœur ne doit pas battre comme ça, ce n’est pas la peine !
L’ascenseur arrive à l’étage, il en sort. Il transpire. Stupide pardessus, il ne fait pas si froid que ça. La porte d’entrée est maintenant face à lui. Elle a l’air plus grande que la dernière fois.
Pour la première fois depuis qu’il s’est levé, il a un geste non retenu. Il se retourne un instant, les larmes et la sueur perlent sur son visage, son visage qu’il enfouit dans ses mains. Il s’essuie le front et les yeux d’un revers de manche, se redresse, prend une profonde inspiration, fait face à la porte, et rentre dans l’appartement.
Comme il l’avait prévu, celui-ci est plongé dans la pénombre. Il se rassure un peu, il ne s’était pas trompé, il a eu raison. Il maitrise parfaitement la situation. Il se dirige vers la chambre, s’agenouille près du lit, sort l’arme de sa poche, l’enfonce dans le corps endormi, tire.
Le sang ruisselle parmi les couvertures ; il a un soupir de soulagement. Tout va bien.

Frosties  

Alhambra  

Dans sa peau à lui (nouvelle)

3/14

18/09/2008 à 19:15

Frosties a écrit :
C'est pas mal, mais je trouve que y'a des lourdeurs au niveau de certaines phrases, au début.

Ah ? Quelles phrases par exemple ?

Sinon merci à vous deux d'avoir pris le temps de lire

Alhambra  

Dans sa peau à lui (nouvelle)

5/14

18/09/2008 à 19:18

Merci beaucoup !

Leouche  

Dans sa peau à lui (nouvelle)

6/14

18/09/2008 à 19:23

J'aime beaucoup
Comme d'hab quoi !
Continue comme ça =P .

Alhambra  

Dans sa peau à lui (nouvelle)

7/14

18/09/2008 à 19:31

Merci à toi !

Belle du Singe  

Dans sa peau à lui (nouvelle)

9/14

20/09/2008 à 12:10

J'ai bien aimé le fait qu'à partir des 5 premières lignes à peu près, je ne pouvais plus me décrocher du texte, je voulais voir ce qu'il allait faire

Mais... J'ai été un peu déçu de ce qu'il a fait justement, c'était tellement prévisible que... Je voulais pas y croire. Et ça me rappelle vraiment une nouvelle que j'ai lue, mais je ne pourrais pas te dire le titre

Alhambra  

Dans sa peau à lui (nouvelle)

10/14

20/09/2008 à 12:24

Merci à vous deux pour vos avis !

Au sujet de la fin, j'ai hésité à faire une chute, un truc imprévisible ou comique, et je me suis dit qu'il ne fallait pas. L'intérêt que j'ai voulu donner au texte ne réside en aucun cas dans la surprise ou dans l'inattendu.
Je voulais réellement essayer de voir ce qu'il pouvait se passer dans la tête de quelqu'un qui sait qu'il va commettre un meurtre. Et à la limite, le meurtre lui-même ne compte pas non plus.
C'est aussi pour ça qu'il n'y a pas de noms propres, de lieux, de raisons etc.

Merci encore d'avoir pris le temps d'expliquer vos impressions

WriterDreams  

Uranus