Geoffrey.

Quel âge avez-vous ?

Moins de 18 ans

18 ans ou plus

Am Stram Gram Geoffrey. 24 29/01/09 à 17:38

Dans la pénombre de la cave, Geoffrey me dévisage.
- Ca t'fait pas peur de pouvoir crever n'importe quand ?
À vrai dire, je ne saurais lui répondre. La question me parait fade, presque indécente par son évidence. Qui, je vous demande simplement Qui n'aurait pas peur en cet instant ?
Le sol tremble soudain une troisième fois avec ce grondement sourd toujours plus proche. Les murs suintant les miasmes de la ville craquent et se fissurent. Un orphelin hurle, un bout de plafond s'écroule. La lampe vacille dans le vide, son ampoule grésille, la lumière s'éteint.
Geoffrey s'agrippe alors à ma main.
- Dis, je peux te poser une question ?
- Libre à moi d'y répondre.
Il chuchote, son haleine douceâtre imprégnant ma chevelure, frôlant le bas de mon visage.
- Depuis quand tu n'as pas fait l'Amour ?
Voyez m'en déconcertée, interdite, médusée. C'est vrai, je connaissais les obus. Mais alors les explosions de coeur pareil, c'était encore du jamais vu.
Je frissonne, en deviens presque fébrile. Je crois même rougir, quoique, dieu merci, il ne puisse le saisir.

L'étreinte de ses doigts se resserre contre ma paume. Je déglutie, ferme les yeux.
Depuis quand n'avais-je donc pas fait l'Amour ?
Depuis toujours, depuis jamais. Il y avait eu Charles, pourtant. L'envie n'y manquait pas. Il était juste... Précoce. Mais Charles n'est plus là, maintenant. J'ose d'ailleurs à peine imaginer où il se trouve, où même son corps repose. Peut-être est-il au fond d'une clairière normande ou sur une plage rouge d'autres morts ? Peut-être est-il dans les locaux de la Gestapo, écorché vif, sans ongle ni paupière ?

Geoffrey triture mon alliance qui n'a que quelques mois. Mariée le 28 Mai 44 et probablement déjà veuve. Il me l'arrache, la laisse rouler sur le plancher dans les tréfonds de notre planque dérisoire. Dehors, les ruines semblent s'être apaisées.
J'écoute la bague ricocher contre une pierre ou un pied. Je ne réagis pas. À quoi me servirait-elle, désormais ?

- Avant, je ne faisais que baiser sauf que, maintenant, comme ce sont les Boshs qui nous baisent, je me dis que je devrais peut être apprendre à Faire l'Amour.
Il s'était confessé d'une traite, par pudeur ou par peur de n'avoir plus le temps de me le dire un autre jour.
Je cherche son épaule du bout de ma tempe et j'y loge ma tête.
- Tu crois que...
S'il te plait, tais toi. Je ne crois plus rien, Goeffrey. Je n'ai plus rien à perdre, plus rien à gagner.
Je pose alors un doigt sur ce que je crois être sa bouche. Il comprend et effleure instinctivement ma cuisse par dessus ma robe en lanière. Je le guide, timidement.
La fièvre de l'effroi aura raison de moi.

Au fond de la pièce, l'orphelin gémit, en a perdu sa voix. La dizaine de réfugiés retiennent leur souffle, osant à peine murmurer, muets par peur, murés dans le silence.

Goeffrey se glisse par dessus moi. Mes jambes ceignent son bassin et mes lèvres goûtent furtivement à son torse terreur, à son torse suant. Son râle me prévient qu'il est enfin en moi. Je n'ai pas souffert, peut-être suis-je trop détruite pour avoir encore une notion de la douleur ?
-Je t'aime, Lucile. Même si je ne sais pas aimer, j'ai décidé que toi, je t'aimerai.
Je souris sans sourire. Il s'égare sur ma poitrine, s'aventure dans mon cou.

Et puis la terre vibre. Une dernière fois. Un peu trop fort, un peu trop près. Un éclat lui fait perdre la tête, un autre l'arrache presque à moi. Je suffoque par la poussière sanglante qui m'agresse la gorge et je pleure, et je rage, puisque désormais, je ne peux faire plus que ça.


© Noémie, Janvier 2009.

Ecrit en un seul jet cette nuit même. Je n'ai rien retouché, quoique je devrai peut-être modifier la fin... Bref, ça sort de mon registre habituel, je trouve. Libre à vous désormais de le juger.

ASG.

Geoffrey. 21/24 30/01/2009 à 18:54
NarcotampiX a écrit :
tu conçois qu'ici ça puisse en déranger beaucoup....
peut être ai je mal interprété, mais il m'a semblé déceller comme de l'ironie dans ces propos
je me trompe?


Il n'y avait rien d'ironique Smile En disant "ici", je parlais du (con)texte présent, de la façon dont je l'avais écrite et le sujet que j'ai traité ! Je parlais pas de SE ou autres Smile

ASG.
Geoffrey. 22/24 09/02/2009 à 09:52
J'ai beaucoup aimé ton texte, et le contexte, le thème... Le rythme, les allitérations me semblent travaillées, c'est vivant, et imagé, comme si la scène se déroulait au fil de la lecture: on s'immerge dans la fiction. La fin semble un peu rapide, mais elle ne m'a pas dérangée. Je sais que cela n'a rien à voir, mais j'ai songé à la fin de "Cloverfield" en lisant, lorsque le couple est sous le pont. L'atmosphère dramatique, et en même temps désespérée, leurs sentiments.
Geoffrey. 23/24 09/02/2009 à 11:34
Mon dieu. Texte vraiment magnifique. Oui en effet la fin est tellement triste et difficile je crois.. La fin serai bien d'être retouché ! Smile Comme ca on pourra encore rêver. M'enfin dans la generalité j'adore ce texte. Smile
Geoffrey. 24/24 09/02/2009 à 12:03
J'ai beaucoup aimé.
Mais la fin... Arf =/
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