La plus longue nuit d'hiver : pourquoi ?

l-arwen

La plus longue nuit d'hiver : pourquoi ?

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30/05/08 à 14:34

Voilà une fin de nuit étrange et douce qui m'est arrivée cet hiver, devinez pourquoi ...

Attendre le jour, l'éclaircissement du ciel comme une délivrance, une respiration nouvelle. On sortit vers six heures, et l'air nous parut presque plus tiède qu'à l'intérieur. Une douce haleine de salle de bain rafraîchie nous soufflait une petite dizaine de degrés au visage, et nous marchions roulés dans nos sacs de couchage qui formaient une cape rouge pour elle et bleue pour moi. Nous refîmes la rue qui allait au centre d'Arradon, où se trouvait sûrement une boulangerie matinale. Un abri bus près de l'église était ouvert et offrait des sièges, toujours dans l'attente. Sur la place centrale, des marchands préparaient leurs étalages pour la journée de marché : nous n'étions plus seuls. Des guirlandes lumineuses dans les arbres ne réchauffaient que l'œil. Sous la vie, nous entrions dans le monde du réveil. Après trois quarts d'heure, l'église sonna sept heures et la boulangerie ouvrit. En mangeant avec appétit, je lui lançai : « C'est le meilleur petit pain que j'ai jamais mangé ! ». Elle me répliqua que je devais souvent dire cela, et elle avait raison. Cela faisait longtemps que je n’avais plus goûté quelque chose, cette pâte cuite à point et ce sucré ramenaient à des mœurs humaines qui promettaient un matin ponctuel. Nous avons ensuite marché vers la plage qu'elle devait me montrer. C’était une promesse du voyage. Aucune moitié du ciel ne voulait nous éclairer, même faiblement. L'aube était encore trop loin et la Bretagne était la dernière région de France à la recevoir. Les seules lueurs venaient des lampadaires qui se perdaient, pelucheux, au bas des nuages. Un bain de vapeur régnait dans le ciel brun.

Tout à coup, elle sentit l'air de la mer et m'en fit part, la route descendait vers ce que j'imaginai être une plage. Une magie invisible dansa sur l'horizon noir, des vagues sur du sable peut-être fin. Un théâtre aveugle mettait en scène le plus doux des paysages, mais nous ne pourrions être ensemble, émerveillés par la fraîcheur d’un soleil matinal. La suite de la route était prise dans l’opacité sombre en errance. Il y avait bien trop à attendre au bord d’une obscurité qui aurait raison de nous, il était sage de ne pas aller plus loin. De la mer, je n’avais que ses mots, elle avait peut-être entendu ces vagues, là où je ne percevais qu’une consistance granulaire où les lignes s’évanouissaient. Rien de fixe n’y rassurait, ni terre ni limites. Deux mondes se joignaient, l’un encore un peu humain, avec ses maisons endormies, ses branches, ses halos, et l’autre si dense qu’il contenait dans ses courbes, sans repère ni distance, l’océan tout entier. Aucun cri, aucune lueur n’en sortait, tout s’y dissimulait sous un voile épais qu’un lever de soleil viendrait pourtant colorer un jour. Sur ce bord, notre demi-tour se décida. Ici, à la frontière de sable noir, un chant mouvant et silencieux s’opposait au dernier lampadaire gardien de la vie. Chaque nuit jusqu’à l’aurore, ce modeste phare se contentait d’électricité pour résister aux ténèbres. Même cette plage s’était perdue dans la nuit somnambule.

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