Tzigane, Tzigane ! (Nouvelle)

Antigone_

Tzigane, Tzigane ! (Nouvelle)

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Ce jour à 06:52

En hommage aux Béruriers Noirs et à leur chanson, pas la plus célèbre certes : Tzigane, Tzigane ! (Chanson qui suit le texte.)
C'est toujours à l'aube que vient l'inspiration.


- Les gitans s'en vont. Les gitans s'en vont.
Ce n'est qu'une rumeur, qui pourtant se propage en un éclair à travers la cité. Une rumeur qui enfle jusqu'à en faire vibrer les murs de la ville.
Les chiens aboient, la caravane passe. Un enfant court.
- Les gitans s'en vont ? Les gitans s'en vont !
Les réactions sont multiples, face au convoi qui s'ébranle peu à peu sous les cris de la population en liesse : "Voleurs d'enfants, voleurs d'enfants !" "Déguerpissez, bandits !" "Pas trop tôt, sales Roms !"
- Guillaume, tu as vu ? les gitans s'en vont !
Oui, Guillaume a vu, et Guillaume court à s'en faire claquer les muscles, à s'en briser les os sur la chaussée qui semble l'attirer comme un aimant. Salope de gravité. La sueur auréole ce front et cette bouille d'ange.
Les chiens aboient, la caravane accélère. Guillaume parvient enfin à distinguer les couleurs vives de la dernière roulotte. Il exhorte ses petites jambes. "Allez, galope, galope !" Il se remémore le sourire miel : "Allez, Guillaume, galope, petit cheval !"
- Acaciaaaaa !
C'est seulement un sifflement qui s'échappe de ses lèvres entrouvertes, les poumons ont réquisitionné le moindre souffle pour faire bander ses muscles.
- Acacia !
Une tête brune pointe à la lucarne de la dernière roulotte. C'est comme une nouvelle respiration pour Guillaume, qui parvint enfin, en quelques foulées, à rattraper les nomades.
- Acacia, pourquoi vous partez ? demanda-t-il sur un ton larmoyant, à la jeune femme qui a passé la tête à travers la lucarne.
- Combien de fois faudra-t-il le répéter, Guillaume ? soupire la gitane. Je m'appelle Nastasia. Pas Acacia !
- Pourquoi vous partez ? répète le gamin, en bondissant sur le marchepied de la roulotte.
- Parce que les gadgi de ta ville sont des fils de chiens. "Sales manouches", c'est tout ce qu'ils ont à la bouche devant nos danses, nos chansons, nos spectacles. Nous sommes des comédiens, nous n'avons pas à jouer devant un public incrédule.
- Je ne suis pas un gadgo moi, Acacia, se plaint le petit garçon. Laisse-moi venir avec toi.
Nastasia secoue ses boucles brunes en signe de dénégation, bien qu'amusée par l'entêtement si touchant du jeune blanc.
- File, sinon on va encore nous accuser d'avoir volé des mômes. Comme si on savait déjà quoi faire des nôtres...
- Pourquoi je peux pas venir ?
- Parce que tu n'es pas tzigane, gadg... Guillaume.
Un cahot. Une roue rebondit sur le sol, et Guillaume est éjecté du marchepied. Il se redresse durement et voit les roulottes, Nastasia et les siens s'éloigner à travers le filet salé de ses larmes.
Ils voyageront ainsi jusqu'à la prochaine ville, où ils seront de nouveau chassés.
Les chiens aboient, la caravane passe.

Tu roules vers le sud quand le froid te menace
La nature, les saisons, c'est la vie qui se passe
Avides de liberté, c'est votre identité
Les roulottes sont passées, les chiens ont aboyé

Gitan Gitan, une menace pèse sur toi.
Les gadgi, les hommes blancs, veulent te mettre au pas
Tzigane, Tzigane, tu joues les yeux fermés
Réveille-toi Manouche, les chiens veulent te tuer

Romanichel, Tzigane, Gitan ou Bohémien
Manouche, Rom, Sinti, où iras-tu demain ?
Les gadgi t'ont loué une décharge publique
La terre n'est à personne, ni aux juges, ni aux flics

TZIGANE, REVEILLE-TOI !
TZIGANE, LEVE-TOI !